Hargeisa la schizophrène

Les rues sont remplies de gravas. Les déchets s’amassent au sol et décorent les buissons. Ça et là traînent pêle-mêle sacs plastiques, boîtes de conserve, emballages, parpaings et barres de fer. Il faut être vigilant, avancer prudemment pour ne pas mettre le pied dans une ornière. Cette décharge à ciel ouvert commence au pas de notre porte.

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Des chèvres se baladent paisiblement dans les rues défoncées. Elles boulottent les quelques feuilles des arbustes qui égayent le paysage. Des chiots squattent les rares oasis d’ombre sous les avancées des toits. Le silence est saisissant, les muezzins se sont tus, les enfants sont encore à l’école. Un groupe d’hommes assis en cercle et en tailleur prend le thé et répond volontiers à notre timide « Salaam Alaykum ».

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Nous prenons à gauche dans une rue qui ressemble à toutes les autres. A droite, les murs des maisons sont hérissés de tessons de bouteille. A gauche, l’enceinte d’un grand hôtel est protégée par un grand fil barbelé roulé à la manière des prisons de haute sécurité. Un soldat armé d’une Kalachnikov nous toise. Nous regardons nos pieds. Nous avons à peine progressé d’une centaine de mètres et déjà l’envie nous prend de rebrousser chemin. Couards ? Désorientés plutôt. On a entendu tellement d’histoires sur ce pays, on nous a tellement mis en garde…

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Nous nous faisons petits et fixons avec appréhension les pick-ups qui nous dépassent à faible allure. Et si un Shebab en sortait ? Et si on nous enlevait ? Et si ? Et si ?

Un 4×4 ralentit à l’approche d’un dos d’âne. Il s’arrête à notre hauteur. La fenêtre s’ouvre.

« Hello guys! Welcome to Somaliland! »

Un sourire, des yeux pétillants. La fenêtre se referme et le 4×4 s’éloigne, nous laissant pantois.

La route se couvre d’asphalte, les rues s’animent. Nous croisons quelques commerces de rue, sortes de « 7-eleven » en tôle ondulée verte et grise. Des commerçants nous alpaguent gentiment, font mieux que baragouiner deux mots d’anglais et finalement nous laissent continuer tranquillement notre promenade. Nous croisons quelques étudiants en bras de chemise qui n’hésitent pas à se présenter. Nous sommes poliment invités à prendre un thé chez Abdi et Mohamed que nous ne connaissions pas trente secondes plus tôt.

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Nos épaules se font plus légères, notre pas plus assuré. Nous arrivons sur la grand’ route. Le contraste est impressionnant : la vie se cachait ici. De nouveau il y a du bruit et du mouvement. La rue est commerçante : il y un coiffeur, un salon de thé et un supermarché de notre côté de la rue. On aperçoit une quincaillerie et une station essence de l’autre côté. Les gens se pressent, les voitures klaxonnent, certains sont pendus au téléphonent, d’autres paressent, attablés en terrasse. Une grande antenne en fer, sorte de mini tour Eiffel, attire notre attention. Sur l’antenne, une imposante pancarte jaune : « 4G ».

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Nous entrons dans le supermarché. Sur les étagères, on retrouve des marques familières : L’Oréal, Ariel, Nescafé, Nutella… Le gérant parle parfaitement anglais et nous guide dans nos choix de produits locaux. Au moment de payer, nous avisons le client précédent qui dégaine son portable. Nous tombons des nues lorsque nous comprenons qu’ici la monnaie n’a presque plus cours. Les transactions sont virtuelles, rapides et sans danger : elles se font sur mobile (article à venir).

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C’est ça le Somaliland. C’est un grand contraste, c’est à la fois Alep et Berlin, c’est un paysage de guerre où règne la paix.

Parents, amis, croyez-nous : après dix jours, on peut vous assurer que nous n’avons rencontré que des gens étonnants, gentils, prévenants et respectueux. Nous préparons pour vous un article sur le Somaliland, son histoire, ses échecs et ses succès. Et cet article, ce ne sera ni Thomas, ni Victor, Clément ou moi qui l’écrira, mais un Somalilandais.

Il est temps de faire tomber les clichés.

7 réflexions sur “Hargeisa la schizophrène

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